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Une histoire asynchrone de l’économie et de l’écologie et de leurs passeurs. Sophie Boutillier Clerse ( umr-cnrs 8019) Université Lille-nord de France Patrick Matagne RURALITES (EA 2252) Université de Poitiers Journées Energie, transports, développement durable : regards croisés
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Une histoire asynchrone de l’économie et de l’écologie et de leurs passeurs Sophie Boutillier Clerse (umr-cnrs8019) Université Lille-nord de France Patrick Matagne RURALITES (EA 2252) Université de Poitiers Journées Energie, transports, développement durable : regards croisés Université de Poitiers – 3 juillet 2013
L’économie et l’écologie ont la même étymologie. Pourtant, ce ne sont pourtant pas des… mots qui vont bien ensemble.
Problématique (1) • Constat : l’économie et l’écologie se constituent en tant que discipline scientifique avec un siècle d’écart : • L’économie à la fin du 18ème siècle avec l’école classique, dont le principal représentant est Adam Smith (1723-1790). • L’écologie à la fin du 19ème siècle, avec Ernst Haeckel (1834-1919) et Eugène Warming (1841-1924).
Problématique (2) • Comment expliquer cet écart alors que la pollution n’est pas une « invention » du 19èmesiècle, même du 18ème siècle ? • L’économie classique part du postulat qu’il n’existe pas de limites naturelles à la « richesse des nations » et que la « solution » réside dans une bonne organisation de l’économie, combinant marché et travail. • Il existe pourtant des « passeurs » de l’économie vers l’écologie et de l’écologie vers l’économie qui ont contribué à une prise de conscience salutaire qui ne s’affirmera qu’à partir de la seconde moitié du 20ème siècle.
Problématique (3) • Revenir sur les conditions de « naissance » de ces disciplines scientifiques pour en comprendre l’essence. • Les économistes ont-ils construit une science « outillée » (Schumpeter, 1954, édition de 1983, p121), qui a été précédée par l’accroissement du poids de l’homme d’affaires dans la société qui « communiqua à la société une dose accrue de son esprit, exactement comme le chevalier avant lui ».
Méthodologie • Etude des écrits des économistes, géographes et naturalistes fondateurs • Contextualisation de leurs écrits
Définitions élémentaires • Définition de la science (Kuhn, 1972) : ensemble de concepts, de théories, de discours et de pratiques à partir desquels une représentation du monde est admise par une communauté scientifique, laquelle n’est traversée par des rapports de forces. • Un ensemble de connaissances se structure en tant que discipline scientifique à partir du moment où elle est reconnue en tant que telle par une communauté scientifique. Ce qui suppose : la nomination de professeurs d’université, la création d’institutions de recherche et d’enseignement, la publication de revues et de publications de référence. • Economie : « oikos » + « nomos » ou le management du foyer • Ecologie : « oikos » + « logos » ou la règle du foyer • Pollution : ensemble de nuisances chimiques ou organiques provoquées par l’activité humaine, entrainant la dégradation de la qualité de l’eau, de l’air et des sols.
Plan • 1/ Naissance des sciences « économie » et « écologie » dans un environnement pollué • 2/ Les passeurs de l’économie vers l’écologie et inversement
1/ Naissance des sciences « économie » et « écologie » dans un environnement pollué • L’histoire environnementale se constitue aux Etats-Unis dans les années 1960, • En France, les « Annales » est l’une des premières revues d’histoire à consacrer un article important à l’environnement : E Le Roy Ladurie, Histoire du climat (1970), • La pollution a toujours existé sous des formes diverses : d’organique pendant des siècles, s’ajoute la pollution chimique à partir de la fin du 18ème siècle, • Moyen-Age : 1/ problème de l’approvisionnement en eau potable, évacuation des eaux usées, débouchant sur des pathologies des épidémies dévastatrices. 2/ l’activité artisanale et manufacturière se concentre dans les centres urbains entrainant nombre de nuisances : abattoirs, tannerie, explosifs, par exemple. 3/ des réglementations existent pour en limiter les conséquences négatives. • 18ème siècle : début de la pollution industrielle.
1/ Naissance des sciences « économie » et « écologie » dans un environnement pollué • Les premiers textes économiques remontent à l’antiquité grecque Xénophon (4ème siècle av JC) : « L’économique » • Mais l’économie se constitue en tant que discipline scientifique à la fin du 18ème siècle publication en 1776 de « la richesse des nations » par Adam Smith, chef de file des Classiques. • Recette d’une économie prospère selon Smith : marché (commerce) + travail (organisation du travail dans la manufacture). • En France, les Physiocrates (qui se nomment les « économistes ») : marché + agriculture. • La pensée libérale se développe au cours du 19ème siècle J.-B. Say (1767-1832) : les ressources naturelles sont gratuitement données à l’homme par la providence, • La nature ne peut imposer ses règles. C’est aux hommes à trouver la « bonne organisation » / l’homme est possesseur et maitre de la nature (Descartes, 17ème siècle)
1/ Naissance des sciences « économie » et « écologie » dans un environnement pollué • l’économie de la nature : providentialiste, téléologique, anthropocentrée. Théologie naturelle, Carl von Linné (1707-1778), Gilbert White (1720-1793). • « oecologie », 1866, Ernst Haeckel (1834-1919). • Eugène Warming (Ecology of plants, 1909) et Andreas Frank Wilhelm Schimper (Plant geographyupon a physiological basis 1903) synthèse des traditions de la géographie botanique qui traversent le 19ème siècle. Programme de recherche qui marque la première génération d’écologues, en Europe et aux Etats-Unis • Biosphère (1875, Edouard Suess, 1831-1914) ; biocénose (1877, August Möbius, 1825-1908) ; pyramide écologique (1881, Carl Gottfried Semper, 1832-1893). • Institutionnalisation de l’écologie; deux premières décennies du 20ème siècle , (revues, écoles, universités, laboratoires) • 1935, Arthur George Tansley écosystème. 1942 Raymond Lindemann, concept moderne (approches trophique et énergétique) • 1953, Fundamentals of ecology d’Eugène PleasantsOdum, référence pour tous les écologues
2/ Les passeurs de l’économie vers l’écologie et inversement De l’économie vers l’écologie : des interrogations et remises en question • Thomas More (1478-1533) : l'Angleterre est le seul pays où les moutons mangent les hommes. • Thomas R. Malthus (1766-1834) : le principe de population. • Karl Marx (1818-1883) : le capitaliste exploite le travailleur et la nature pour une même fin : le profit. Mais, le socialisme mettra fin à ces maux. • Fredrich Engels (1820-1895) : « la dialectique de la nature » (1883) : la nature a toujours le dernier (interrogation sur les civilisations disparues) + le progrès technique ne réduit pas la pauvreté. • James Stuart Mill (1806-1873) : la course à la production a atteint ses limites + mettre l’accent sur le qualitatif (état stationnaire).
2/ Les passeurs de l’économie vers l’écologie et inversement • De l’écologie vers l’économie (en étudiant la nature, ils mesurent les conséquences négatives de l’activité économique) • Henry David Thoreau (1817-1862) Walden ou la vie dans les bois (1854), le transcendantalisme (Ralph Waldo Emerson ;1803-1882) • Elisée Reclus (1830-1905) géographie humaine française. Anthropogéographie. Désastres causés par l’homme sur la nature : Histoire d’un ruisseau (1869) • Karl Möbius; biocénose, écologie économique • Friedrich Ratzel (1844-1904), notion de Raubwirtschaft • wilderness(John Muir), mouvement préservationniste • La littérature de la prairie (Le dernier des Mohicans de James Fenimore Cooper (1826) • George Perkin Marsh, Man and Nature (1864),
Conclusion • La pollution a toujours existé, pourtant les économistes intègrent tardivement cette « variable » dans leurs analyses, de même que la plupart des naturalistes • Pour les économistes libéraux (classiques, physiocrates notamment) comme pour les naturalistes, la providence a mis à disposition des hommes des ressources pour accroitre leur bien-être. • La question de l’épuisement et/ou de l’altération des ressources naturelles ne se pose pas (économie de rareté), sauf ponctuellement, dans certaines îles surexploitées (Île Maurice).
Conclusion • Des économistes et penseurs marginaux (= critiques vis-à-vis du marché) font entendre une autre voix : More, Marx, Engels, Mill, de même que des naturalistes et des géographes: Thoreau, Reclus, Möbius, Friedrich, Ratzel, Marsh • Un première forme de demande sociale en matière d’environnement se structure au 19ème siècle aux Etats-Unis et en Europe • C’est Arthur Cecil Pigou (1877-1959) qui par le concept des « externatilités » définira le principe du « pollueur payeur » mis en pratique en 1972. Puis, Ronald Coase (1910) définit à son tour le principe des permis d’émission dans un article publié en 1960.