Séance 3 : Génération et durabilité des régimes de Welfare Quid du modèle français de classes moyennes ?

1. INTRODUCTION A LA SOCIOLOGIE: CONCEPTS, METHODES, ENJEUX ACTUELS. • Séance 3 : Génération et durabilité des régimes de Welfare Quid du modèle français de classes moyennes ? Approfondissements thématiques comparés Louis Chauvel louis.chauvel@sciences-po.fr http://louis.chauvel.free.fr Sciences Po

2. Plan de cette séance • La dynamique générationnelle comparée -La « fracture générationnelle » : éléments d’analyse d’un problème français -Inégalités intra / inter générationnelle : comparaison internationale-Quelle dynamique des Welfare regimes • La moyennisation et après : -La montée en puissance des nouvelles classes moyennes : Marx Schmoller Mendras -La combinaison de deux capitaux : quid du capital culturel ?-La société salariale et après ? • Conclusion : quel modèle européen de structure sociale ? Génération et durabilité des régimes de Welfare Quid du modèle français de classes moyennes ?

3. Quelles sont les conséquences de long terme du chômage de masse à l’entrée dans la vie? Risk of unemployment 12 months after living school  (%) Cohorte 1959 Cohorte 1953 Source : Enquêtes emploi INSEE 1969-2005, archives Lasmas

4. a. Stagnation économique et remise en cause du progrès social France wave of intercohort inequalities Relative income (1=Tot) after tax and transfer incomes Relative income (1=Tot) Age groups Source : The Luxembourg Income Study database : http://www.lisproject.org and French Family expenditure surveys-INSEE 2000 for France 1999-2000 (data archives : Maurice Halbwachs Center).

5. Croissance des salaires réels et prix de vente dulogement ancien parisien (termes réels) (100 = 1996) Logement Salaires Année Source : Insee, Notaires d'Île de France - Base BIEN

6. b. Déclassement socioéducatif Educational expansion • Proportion Bac and + (end of secondary educ) 1970-2005 70% 60% 50% Age 40% 25 30 30% 35 40 20% 45 50 55 10% Cohort 0% 1900 1910 1920 1930 1940 1950 1960 1970 1980 1990

7. % of baccalaureat owners accessing the middle class (cadres+professions intermédiaires) • French labor force surveys 1970-2005 Age Year

8. Intergenerational upward mobility rate and difference up less downward mobility rates • Upward mobility rate difference up less downward mobility rates • Source : Enquêtes Emploi 1982-2000, INSEE ; archives LASMAS-Quételet

9. Nouvelle évaluation 2007 : Camille Peugny, 2007, La mobilité sociale descendante, l’épreuve du déclassement, Mémoire de Thèse, Sciences Po, Paris (le score moyen de mobilité est la différence entre la position d’égo et celle du père, cette position résultant d’une échelle de prestige des professions allant de 0 à 1)

10. 3. Déséquilibre de la représentation politique • Evolution de la répartition par âge des députés 1981-1997-2002 • Source : Trombinoscopes de l’Assemblée Nationale.

11. Robert K. Merton, 1938, “Social Structure and Anomie”, American Sociological Review, Vol. 3, No. 5. (Oct., 1938), pp. 672-682.

12. Comparaison internationale • Les trois régimes Esping-Andersen : • Modèle conservateur (Europe Continentale) : FRANCE Préservation des (vieux) équilibres sociaux, système excluant les outsiders => fortes inégalités intergénérationnelles, inégalités intra-générationnelles plus faibles, mais croissantes pour les nouvelles générations • Modèle libéral : (monde anglo-saxon) : UK Le marché comme institution centrale, Etat-providence résiduel HL0 : fortes inégalités intragénérationnelles HL1 : faibles inégalités intergénérationnelles (concurrence entre générations) • Modèle Social-democrate (Europe Nordique) : DENMARK Citoyenneté et participation politique élargie : discussions et négociations complexes / équilibres sociaux entre groupes sociaux diversifiés (genre, générations, etc.) en direction du développement de long-terme HD0 : faibles inégalités intragénérationnelles HD1 : faibles inégalités intergénérationnelles (concurrence entre générations)

13. Comparaison internationale France wave of intercohort inequalities Relative income (1=Tot) after tax and transfer incomes in the household Relative income (1=Tot) Age groups Source : The Luxembourg Income Study database : http://www.lisproject.org (Family budget surveys INSEE).

14. Comparaison internationale UK stability in intercohort inequalities Relative income (1=Tot) No Cohort wave Age groups Note : Income is after tax and social transfers in the household Source : Luxembourg income study (British Family Expenditure Surveys)

15. Comparaison internationale Denmark unclear increase in intercohort inequalities Relative income (1=Tot) Slight increase for seniors Age groups Note : Income is after tax and social transfers in the household Source : Luxembourg income study (DK Income tax surveys)

16. Comparaison internationale France decline in senior intracohort inequalitiesand increase for juniors after tax and transfer incomes in the household Interdecile ratio Age groups Source : The Luxembourg Income Study database : http://www.lisproject.org and French Family expenditure surveys-INSEE 2000 for France 1999-2000 (archives : Maurice Halbwachs Center).

17. Comparaison internationale UK clear increase of intracohort inequalities Interdecile ratio Age groups Note : Income is after tax and social transfers in the household Source : Luxembourg income study (British Family Expenditure Surveys)

18. Comparaison internationale Denmark light increase in intracohort inequalities Interdecile ratio Age groups Note : Income is after tax and social transfers in the household Source : Luxembourg income study (DK Income tax surveys)

19. Trois grands modèles : • LE pire : le modèle conservateur (+Familialiste Méditerranéen + Japon) :sacrifice des nouveaux entrants en cas de difficultés => insoutenabilité? • Problématique mais moins générateur d’inégalités entre générations : pays anglo-saxons : polarisation croissante mais ouverture sur l’avenir => jusqu’où? • Le plus acceptable en termes de justice sociale ? Europe Nordique / vision universaliste et égalitaire => mais quid de la méritocratie et de la juste rétribution ? • Pays émergeants : • Pays à forte croissance (Chine, Taiwan ?, Inde, Europe centrorientale) : nouvelles opportunités pour les nouvelles générations • Pays en stagnation (Argentine, Afrique du Nord) : inégalités intergénérationnelles et déstabilisation de fond (inflation des diplômes) Conclusion : Développements actuels

20. 2. La dynamique des classes moyennes en perspective Le paradoxe de Pareto « Les revenus varient d’une manière continue. On ne peut pas tirer une ligne (…) pour séparer d’une façon absolue les riches des pauvres, les détenteurs des capitaux fonciers et des capitaux mobiliers, des travailleurs. Plusieurs auteurs prétendent déduire de ce fait la conséquence que, dans nos sociétés, on ne saurait parler d’une classe de « capitalistes » ni opposer les « bourgeois » aux travailleurs. Autant vaudrait dire que, parce qu’on ne peut fixer avec précision l’année, le mois, le jour, la minute où finit la jeunesse et commence l’âge mûr, il n’est pas permis de considérer les jeunes gens et les vieillards. Il est certain qu’on passe par degrés insensibles de la classe des pauvres à celle des riches, mais cela n’empêche pas que ces deux classes n’existent. » Pareto, Vilfredo (1896, reprint 1964), Cours d’économie politique, Genève : Droz, nouvelle éd., § 1052, p. 385.

21. La dynamique des classes moyennes entre stagnation économique et déclin de l’Etat-providence • Définitions implicites des classes moyennes : -position sociale intermédiaire dans la hiérarchie, -dynamique de mobilité ascendante par le diplôme, le travail qualifié, l’implication et le talent,-sentiment de sécurité et de contrôle de son existence, d’identification à la CM. => Multiplicité des définitions implicites : les classes moyennes ne sont pas une appellation d’origine contrôlée

22. Higher strata Economic Ressources Educational ressources Lower Strata • Schmoller : l’Etat et les “nouvelles classes moyennes” • L’Etat et l’expansion de la “nouvelle classe moyenne” SCHMOLLER G. 1897, Was verstehen wir unter dem Mittelstande? Hat er im 19. Jahrhundert zu oder abgenommen?, Göttingen, Vandenhoeck und Ruprecht. Schmoller contre la théorie marxiste de la pauperisation absolue : => La dynamique du XIXe siècle allemand : l’émergence des bureaucraties d’Etat et de grandes entreprises. Emergence d’une classe moyenne qualifiée de bureaucrates, managers, techniciens, experts – et développement d’institutions sociales de l’Etat-providence => constitution d’un “neu mittelstand” éduqué et aisé économiquement New higher middle class Old higher middle class => L’Etat n’est pas simplement garant des équilibres sociaux (égalité sociale), un pourvoyeur de ressources démarchandisées, mais il est aussi un employeur spécifique New lower middle class Old lower middle class

23. Strates supérieures Ressourceséconomiques dominantes Ressourcesculturelles dominantes Strates populaires The Bourdieu scheme • Les divisions de l’espace social aujourd’hui Professions libérales Professeurs, professions scientifiques Cadres de la Ingénieurs Cadres Chefs d'entreprises fonction pub. administratifs Instituteurs ou de 10 salariés et plus d'entreprise assimilés Professions Professions Professions intermédiaires de la intermédiaires intermédiaires santé et du travail administratives administratives de la social entreprises Employés Commerçants fonction publique Techniciens Contremaîtres, Employés fonc pub, Employés entreprises agents de maîtrise Policiers et militaires agents de service Artisans Personnels des Ouvriers qualifiés de Ouvriers qualifiés, services directs aux particuliers type industriel manutention, Ouvriers qualifiés de magasinage, Chauffeurs Ouvriers non qualif transport industriel artisanal Ouvriers agricoles

24. Débat Bourdieu/Bidou 1984 : les classes moyennes sont-elles frustrées ? Catherine BIDOU, 1984, Les aventuriers du quotidien : essai sur les nouvelles classes moyennes, Paris, PUF. * Le problème des classes moyennes éduquées salariées selon Bourdieu : fractions dominées des classes dominantes, donc nécessairement frustrées * Catherine Bidou analyse la spécificité de ces groupes sociaux dans les années 1970-80 : révolution des mœurs et de la culture, expansion d’une morale individualiste négociée, accès au politique, déclassement progressif des élites traditionnelles : émergence d’un nouveau rapport au politique => les « nouvelles classes moyennes » ne sont pas frustrées Problème : quid depuis 1984 ? Stabilisation du pouvoir 25 ans après 1981, stagnation économique du salariat, déclin des recrutements dans le public, augmentation considérable des prix de l’immobilier, relégation des catégories intermédiaires à l’orée des villes.

26. 6 8 Empi Empi Theo 7 Theo 5 6 4 5 3 4 3 2 2 1 1 0 0 1980 1985 1990 1995 2000 1980 1985 1990 1995 2000 12 14 Empi Empi Theo Theo 12 10 10 8 8 6 6 4 4 2 2 0 0 1980 1985 1990 1995 2000 1980 1985 1990 1995 2000 Pub Higher Service Class Priv Higher Service Class Empirical and theoretical evolution of different social groups in % Note :Nous comparons ici les évolutions réelles (empiriques) de la proportion des Professions intermédiaires dans la population totale par rapport aux évolutions théoriques sous hypothèse de conservation de la valeur des titres scolaires, de l’effet de la reproduction sociale et du genre, depuis 1982. Pour cela, nous avons mis en œuvre un modèle logistique polytomique calibré sur 1982, et calculé à paramètres inchangés des variables explicatives depuis cette date, pour différents groupes d’âge. Un déficit de 6 points d’emploi public apparaît ainsi. Pub Lower Service Class Priv Lower Service Class Age Group 30-35 year old Sources : Enquêtes emploi 1982-2002 INSEE, Lasmas Iresco/ Institut Quételet.

28. Farewell to the wage earner middle class • Former elements of “middle-ization” *Homogenization (economic equality) *Objective upward mobility (socioeconomic expansion) *Security, control on one’s future (welfare state and labour protection) => Middle class expansion and “wage earner society” (soc. salariale) • New challenges in a globalized world *Heterogeneity (income stagnation, old/new inequalities and wealth boom) *Risks of downward intergenerational mobility (+ overeducation) *Lack of predictability affecting welfare, precarity, anxiety => middle class expansion results of the “wage earner society”

29. Forte déstabilisation de la dynamique des « nouvelles classes moyennes salariées » • Invisible en moyenne, évidente pour les nouvelles générations • Impact de long terme imprévisible • Comparaison internationale : -ES/IT, évolutions similaires à FR-US/UK, plus d’inégalités, mais jusqu’à présent acceptées -SW/DK, réformes concertées, meilleure visibilité de long terme, mais incertitudes sur l’acceptabilité du modèle d’homogénéité -Chine/Chili : pays en croissance (>+6%/an) avec classe moyenne intermédiaire hyper-polarisée, précaire, mais…-Argentine (quid depuis 2005?), Maghreb, etc…

30. Pour conclure : • Utilité du modèle Esping-Andersen : - Offre un contenu historique aux « plis culturels » de différentes nation (exemple de la garde du 4° âge dépendant)- Permet de comprendre le « développement humain » de certaines nations- Permet d’élaborer de grandes synthèses dans un contexte comparatif • Limite du modèle :- Dissimule les aspérités et les systèmes mixtes (NL, CH, F?, etc, …)- Aspect historique limité : gel l’analyse du système en 1980- Faiblesse relative du modèle pour l’analyse du changement • Pourtant central dans les recherches contemporaines :- Modèle ouvert capable de renouvellement (Esping-Andersen G. et al. 2002, Why we need a new welfare state, Oxford : Oxford University Press. )- Permet de réfléchir à la capacité à réformer ou non - Permet de souligner une partie des problèmes cruciaux