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LE FABULEUX DESTIN DU CONCEPT DE HARCELEMENT MORAL Etat des lieux

LE FABULEUX DESTIN DU CONCEPT DE HARCELEMENT MORAL Etat des lieux. Delphine JAAFAR Avocat au Barreau de Paris Ancien Secrétaire de la Conférence du Stage Expert CNEH. Le concept de harcèlement moral: un fabuleux destin ….

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LE FABULEUX DESTIN DU CONCEPT DE HARCELEMENT MORAL Etat des lieux

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  1. LE FABULEUX DESTIN DU CONCEPT DE HARCELEMENT MORALEtat des lieux Delphine JAAFAR Avocat au Barreau de Paris Ancien Secrétaire de la Conférence du Stage Expert CNEH

  2. Le concept de harcèlement moral: un fabuleux destin … • L’introduction dans le Code du travail et le Statut de la fonction publique de la loi de modernisation sociale visant à définir, prévenir et sanctionner le harcèlement moral constitue la dernière étape d’un long processus ayant commencé par une médiatisation extrême de ce concept par la publication de l’ouvrage de Madame Marie-France HIRIGOYEN au cours de l’année 1998 … • … Quelle utilisation du concept aujourd’hui ? Protection des victimes ou nouvel outil dans le rapport des forces des relations sociales en établissement …

  3. I – Quelle est la définition légale du harcèlement moral?

  4. La définition légale du harcèlement moral • La loi n° 2002-73 de modernisation sociale du 17 janvier 2002 a donné une consistance juridique à la notion de harcèlement moral • Si les aspects relatifs au droit du travail ou au droit pénal de ce texte ont beaucoup été commentés, il en va différemment de son application en droit de la fonction publique, qui présente un certain nombre de spécificités • Et la notion de harcèlement moral doit être confrontée à d’autres notions déjà connues du droit administratif (détournement de pouvoir, sanction déguisée)

  5. La définition légale du harcèlement moral • Article L. 122-49 alinéa 1 du Code du travail ► « Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel »

  6. La définition légale du harcèlement moral • L’article 178 de la loi du 17 janvier 2002 crée un nouvel article 6 quinquies au sein de la loi du 13 juillet 1983, qui constitue le Titre I du statut général de la fonction publique ► « Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. Les dispositions du présent article sont applicables aux agents non titulaires de droit public »

  7. La définition légale du harcèlement moral • Cette protection statutaire est renforcée par la qualification pénale pouvant être donnée à de tels agissements • Le nouvel article 222-33-2 du Code pénal prévoit ► « Le fait de harceler autour par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou men tale ou de compromettre son avenir professionnel, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 Euros d’amende »

  8. La définition légale du harcèlement moral • Dans son article 178, la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 a donc étendu la prohibition du harcèlement moral aux agents publics, en adaptant les dispositions édictées dans le Code du travail au régime spécifique issu du statut général de la fonction publique • Même si cela peut sembler une évidence, la définition du harcèlement moral est posée dans des termes strictement identiques à ceux contenus dans le Code du travail • Précision selon laquelle ce régime s’applique aussi bien aux fonctionnaires qu’aux «agents non titulaires de droit public », ce qui vaut tant pour les contractuels que pour les vacataires • Soulignons que, pour les agents des collectivités publiques employés sous un régime de droit privé, ce sont les dispositions du Code du travail qui s’appliqueront, ce qui aura pour effet paradoxal de leur accorder une protection plus grande.

  9. La définition légale du harcèlement moral • Alors que de nombreux praticiens se sont attachés à définir notamment le profil du harceleur, force est de constater que la loi est muette quant à l’identité de l’auteur présumé des faits • On observera que ce choix diffère ► • des solutions initialement retenues dans le domaine sexuel par la loi du 2novembre 1992 • L’article L. 122-46 du Code du travail issu de la loi n° 92-1179 du 2 novembre 1992 identifiait initialement l’auteur du harcèlement qui pouvait être l’employeur, son représentant ou toute personne abusant de l’autorité que lui confèrent ses fonctions • La loi de modernisation sociale supprime l’exigence de la preuve d’un abus d’autorité et l’incrimination d’harcèlement sexuel pourra désormais être retenue sans qu’il soit nécessaire de constater un lien hiérarchique entre l’auteur des faits et la victime • du projet de loi de modernisation sociale tel que voté en première lecture le 12 janvier 2001 qui vise de la même manière l’employeur, son représentant ou toute personne abusant de l’autorité que lui confèrent ses fonctions

  10. La définition légale du harcèlement moral • L’abus d’autorité n’est donc pas requis pour que le comportement de harcèlement moral soit retenu • Le harcèlement visé peut donc être = • vertical c’est-à-dire émanant d’un supérieur hiérarchique • horizontal : c’est-à-dire se caractérisant par des conflits entre collègues • ascendant c’est-à-dire le harcèlement d’un salarié par un de ses collaborateurs • Si, sur le plan statistique, le harcèlement vertical est la forme de harcèlement la plus fréquente, l’absence de référence légale à l’auteur du harcèlement conduit à admettre que toutes les formes de harcèlement sont susceptibles d’être visées par le nouveau dispositif légal

  11. La définition légale du harcèlement moral • La définition retenue exclut donc toute référence à l’identification de comportements prohibés et se contente de définir le harcèlement moral à partir “d’agissements répétés de harcèlement moral” • C’est donc au seul regard des effets des comportements sur la situation de la victime que l’auteur du harcèlement pourra voir sa responsabilité engagée • La méthode retenue n’est pas sans inconvénients sur le plan de la sécurité juridique alors même que, faut-il le rappeler la qualification de harcèlement moral est susceptible de sanctions pénales

  12. La définition légale du harcèlement moral • Des différences principales existent entre le régime du droit commun et celui applicable au droit de la fonction publique et tiennent aux effets du constat de l’existence d’un harcèlement moral • Pour les fonctionnaires, le texte se borne à prohiber toutes les mesures discriminatoires, en en donnant une liste ouverte. • Cette prohibition doit naturellement s’interpréter comme posant l’illégalité des «mesures» qui s’inscriraient dans ce cadre (TA Versailles, 17 mai 2002: une décision de notation n’est pas constitutive de harcèlement moral) • Le choix du vocable de «mesures» et non pas de «décisions» a une conséquence importante, en visant non seulement toutes les hypothèses dans lesquelles le harcèlement prend la forme d’« actes administratifs» faisant grief, mais encore celles dans lesquelles la victime est l’objet d’«agissements» qu’elle ne serait pas susceptible de contester au contentieux: notes de service, ordres verbaux, etc.

  13. La définition légale du harcèlement moral • Les fonctionnaires bénéficient d’une garantie processuelle d’une autre nature, inhérente au système des recours non contentieux existant en droit administratif = le fait d’avoir exercé un recours gracieux ou contentieux contre des mesures de harcèlement ne peut pas servir de fondement à des décisions discriminatoires • Sans doute l’administration ou l’agent harceleur essaiera-t-il de dissimuler sa véritable intention en prenant de telles mesures, mais l’objet de la disposition n’est pas pour autant inutile, il permet en particulier d’éviter les sanctions dans le cas où le harcèlement ne serait pas reconnu, sauf peut-être mauvaise foi patente ou... harcèlement moral

  14. Harcèlement moral: faute personnelle et faute de service? • Le harcèlement moral exercé par le supérieur hiérarchique è l’encontre d’un de ses subordonnés constitue une faute personnelle détachable, s’il dénote une animosité particulière • Mais cette faute, quoique commise par définition dans le cadre du service, n’est pas une faute de service, dès lors que l’Administration, dès qu’elle a eu connaissance des faits incriminés, a réagi de manière convenable ► TA Versailles, 15 oct. 2004, Balenguer

  15. Harcèlement moral: faute personnelle et faute de service? • Ce jugement mérite mention parce qu’il est rare qu’une faute commise en service soit considérée comme “dépourvue de tout lien avec le service” • Les conclusions du commissaire du gouvernement et le début de la rédaction du jugement permettent de bien cerner la situation : la victime était atteinte d’un état dépressif profond et placée en congé de longue maladie, après le changement d’attitude de son supérieur direct (changement d’équipe sans raison de service, baisse de la notation d’un agent qui avait pendant dix ans donné satisfaction...) • La faute personnelle était donc bien établie, et cette qualification rejoint une jurisprudence constante

  16. Harcèlement moral: faute personnelle et faute de service? • La seule difficulté du dossier était de déterminer si cette faute personnelle pouvait constituer aussi une faute de service, puisqu’elle avait été commise en service, et dans le cadre des relations entre supérieur et subordonné • La réponse est négative après un examen objectif des circonstances de l’affaire • Comme le démontre la fin du jugement, la direction du centre hospitalier ne pouvait se voir reprocher aucune inaction

  17. Usager du service public, harceleur ? • Le juge pénal pourra, enfin, connaître également des plaintes dirigées contre les usagers du service public puisque le harceleur peut être non seulement un supérieur ou un collègue, mais aussi un usager du service • Compte tenu du régime de protection dont ils bénéficient, les fonctionnaires se trouveront dans une situation plus favorable que les agents du secteur privé puisque leur défense pourra être prise en charge par l’Etat • Le fait de pouvoir poursuivre sur ce fondement un usager du service public s’apparente à une extension du régime de la protection des fonctionnaires contre les atteintes qui peuvent leur être portées à l’occasion de leurs fonctions • C’est là un effet probablement involontaire du nouveau texte, mais dont on peut imaginer que les agents et leurs représentants se saisiront, car il est possible qu’il soit plus efficace que la mise en oeuvre d’incriminations plus générales !!

  18. Conditions tenant au comportement du harceleur • La répétition • Il faut tout d’abord qu’il y ait répétition puisqu’il doit s’agir d’ agissements répétés • Répétition que suppose la définition même du terme « agissements » (au pluriel) • Un fait isolé ne peut donc être constitutif de harcèlement moral

  19. Conditions tenant au comportement du harceleur • L’intentionnalité facultative • L’intentionnalité du harceleur quant aux conséquences néfastes de son comportement n’est que facultative, puisque les agissements doivent avoir eu « pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail » • Cette précision de la loi rend le harcèlement plus facile à prouver, puisqu’il n’est pas nécessaire de rapporter la preuve de l’intention de l’auteur, preuve en toutes circonstances délicate à produire

  20. Conditions tenant aux conséquences du comportement du harceleur • La dégradation des conditions de travail • Les agissements du harceleur doivent avoir eu pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail • D’après les députés proposant la loi, cette « notion de conditions de travail recouvre(...) l’ensemble des circonstances qui entourent l’exécution de la prestation de travail » (Proposition de loi du 22 déc. 1999) • Relèvent donc des conditions de travail par exemple, « la répétition de petites vexations ou brimades au même titre que des mutations ou encore des privations de travail » (Proposition de loi du 22 déc. 1999)

  21. Conditions tenant aux conséquences du comportement du harceleur • Les conséquences potentielles de cette dégradation • La dégradation des conditions de travail doit être susceptible d’entraîner les conséquences énumérées par la loi • La loi facilite donc ici encore la preuve du harcèlement moral, puisqu’il n’est pas nécessaire de prouver une quelconque conséquence de la dégradation des conditions de travail, leur simple potentialité suffit

  22. Conditions tenant aux conséquences du comportement du harceleur • Ces conséquences sont : • l’atteinte aux droits de l’agent, ce qui selon l’interprétation du Conseil constitutionnel (CC 12 janvier 2002, loi de modernisation sociale) fait référence aux droits de la personne au travail tels qu’énoncés à l’article L. 120-2 du Code du travail (« Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnées au but recherché ») • l’atteinte à sa dignité, définie par le Conseil économique et social par « ce qui constitue (quelqu’un) comme une personne à part entière, c’est-à- dire reconnue dans sa réalité humaine » • l’altération de sa santé physique ou mentale ou encore la mise en péril de son avenir professionnel

  23. Conditions tenant aux conséquences du comportement du harceleur • L’interdiction de mesures de rétorsion prises en conséquence du harcèlement • L’article 178, alinéa 2 de la loi de modernisation sociale interdit toute une série de mesures que pourrait prendre le harceleur en lien avec le harcèlement qu’il inflige à la victime (en prenant en considération par exemple le fait que le fonctionnaire victime « ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral ») • Certaines de ces mesures correspondent à celles interdites par l’article 169 de la loi en ce qui concerne les salariés du secteur privé • Il s’agir de mesures concernant la promotion, la formation, l’affectation, et la mutation des agents

  24. Conditions tenant aux conséquences du comportement du harceleur • D’autres mesures tiennent compte des spécificités de la fonction publique, à savoir des mesures concernant le recrutement, la titularisation, la notation et la discipline des agents • La liste établie par la loi n’est aucunement limitative, ce qui est précisé par l’emploi du terme « notamment » («  aucune mesure concernant notamment le recrutement ... »). • Il convient de préciser que si ces mesures sont prises en lien avec des agissements de harcèlement antérieurement commis, elles n’en sont pas moins une prolongation de ces derniers et sont donc également constitutives de harcèlement moral

  25. Les victimes de discrimination en relation avec les agissements du harcèlement moral • La protection des victimes directes du harcèlement moral contre les mesures de rétorsion en lien avec ce harcèlement • L’article 178 de la loi protège les victimes de harcèlement moral contre toute mesure de rétorsion en lien avec ce harcèlement • Ceci concerne les victimes ayant subi le harcèlement, mais également les victimes ayant « refusé de subir » le harcèlement, ce qui introduit donc une exception à l’obligation d’obéissance qui s’impose aux fonctionnaires

  26. Les victimes de discrimination en relation avec les agissements du harcèlement moral • Est également protégée contre de telles mesures la victime ayant « exercé un recours auprès d’un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements » • La loi protège en outre le fonctionnaire victime du harcèlement, visé par des mesures de rétorsion pour avoir « relaté », c’est-à- dire « rapporté, raconté en détail » les agissements qu’il a subis

  27. Les victimes de discrimination en relation avec les agissements du harcèlement moral • La protection des tiers contre les mesures de discrimination en lien avec le harcèlement moral • La victime directe du harcèlement n’est pas seule concernée par la protection de l’alinéa 2 de l’article 178 • En effet, la loi dispose qu’ « aucune mesure » de rétorsion « ne peut être prise à l’égard d’un fonctionnaire en prenant en considération » entre autres éléments ceux mentionnés auparavant • Par conséquent, un autre agent que la victime du harcèlement ayant intenté un recours en justice visant à faire cesser tes agissements de harcèlement moral et faisant l’objet pour cette raison de mesures de rétorsion de la part du harceleur, sera protégé contre de telles mesures

  28. Les victimes de discrimination en relation avec les agissements du harcèlement moral • Il peut s’agir d’une victime par ricochet, par exemple le conjoint de la victime directe, qui serait fonctionnaire également et qui travaillerait dans le même service que la victime • Cette victime par ricochet pourra intenter une action en justice si elle justifie d’un intérêt à agir suffisant • Une action en justice peut également être engagée par un syndicat. • Le délégué syndical ne pourra pas alors faire l’objet de mesures de discrimination pour avoir intenté une telle action

  29. Les victimes de discrimination en relation avec les agissements du harcèlement moral • La loi protège également les fonctionnaires ayant témoigné des agissements de harcèlement (article 178, alinéa 2) • Cela concerne tout fonctionnaire tiers témoin du harcèlement et jamais la victime directe puisque dans une même affaire « les qualités de partie et de témoin sont exclusives l’une de l’autre » • Est protégé en outre tout fonctionnaire ayant relaté les agissements subis par la victime

  30. Les victimes de discrimination en relation avec les agissements du harcèlement moral • Le champ d’application de la protection des agents publics contre le harcèlement moral est particulièrement étendu …

  31. Eléments du délit de harcèlement moral • Sur le plan pénal, enfin, l’incrimination posée à l’article 222-33-2 du Code pénal n’exclut pas les agents publics de son champ d’application • Il est donc concevable que des affaires de harcèlement moral relatives à la fonction publique soit portées devant le juge répressif • Compte tenu de la plénitude de compétence qui lui est reconnue, celui-ci sera également conduit à porter une appréciation sur la légalité des décisions administratives ayant caractérisé le harcèlement • En revanche, les juridictions administratives resteront compétentes pour statuer sur les actions indemnitaires engagées par tes victimes

  32. Eléments du délit de harcèlement moral • La Cour de cassation a en effet confirmé sa jurisprudence constante décidant que la compétence pénale pour statuer sur les conséquences indemnitaires de la faute pénale commise par un agent public ne valait qu’en cas de faute détachable du service (Cass. Crim 30 septembre 1998) • Or, si le harcèlement moral pourra, le cas échéant, être qualifié de faute personnelle, celle-ci n’est de toute évidence pas détachable des fonctions puisqu’elle a vocation à se traduire essentiellement par l’édiction de décisions administratives vexatoires

  33. Eléments du délit de harcèlement moral • Le délit de harcèlement moral a été créé par la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 • L’infraction dont s’agit revêt nécessairement un caractère d’habitude le harcèlement se définit comme la soumission sans répit à des attaques incessantes et réitérées le caractère continu est inhérent aux pressions exercées et à la définition même de cette infraction • Une loi nouvelle s’applique à l’infraction d’habitude dès lors que le dernier acte constitutif est postérieur à l’entrée en vigueur de cette loi • en conséquence dans le cadre d’une infraction d’habitude le tribunal examine les faits antérieurs à la loi nouvelle présentant un caractère indissociable sans faire échec au principe de non-rétroactivité des lois

  34. Eléments du délit de harcèlement moral • Les dispositions du Statut de la fonction publique telles qu’issues de la du 17 janvier 2002 incriminent des agissements répétés de harcèlement moral ayant pour objet ou pour effet de nuire à un agent, de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou morale ou de compromettre son avenir professionnel • Il appartient donc au tribunal de déterminer si, dans le cadre d’une activité professionnelle, les faits soumis à son appréciation sont pénalement répréhensibles ou s’ils ne s’analysent pas en des conséquences, à tort ou à raison mal ressenties par le salarié, des contraintes imposées par les impératifs de gestion inhérents à la vie de toute entreprise développant son activité dans un contexte par essence concurrentiel et conduisant parfois à la remise en question des situations acquises

  35. Eléments du délit de harcèlement moral • En l’occurrence, il y a lieu de prononcer une relaxe ► TGI Paris, 31 ème ch. Correc., 25 octobre 2002, Mme V … c/B … • Les circonstances alléguées, en particulier déplacement de bureau, décision du chef d’entreprise de maintenir une réunion même en l’absence de la personne en charge du dossier, ton des courriers électroniques échangés entre les parties, n’établissent pas que le supérieur hiérarchique poursuivi ait été guidé dans le cadre de ses responsabilités professionnelles par la seule volonté délibérément attentatoire aux droits et à la dignité d’un salarié, dans le but de nuire personnellement à la salariée

  36. Eléments du délit de harcèlement moral • La décision était attendue car elle est la première à se prononcer sur la qualification de harcèlement moral, infraction créée par la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 • Le cas d’espèce était doublement médiatique: • les poursuites étaient engagées contre son supérieur hiérarchique par une directrice des programmes de Canal +, entreprise mise sous les feux de l’actualité à la faveur de restructurations opérées de manière jugée brutale par ses salariés, et elles avaient été largement relatées dans la presse généraliste • Internationalisation culturelle et financière, méthodes managériales musclées, tension croissante dans les rapports sociaux : le décor était idéalement planté pour juger de l’opportunité d’appliquer le nouveau délit à des faits s’étalant de décembre 2000 au 4 février 2002, date à laquelle la partie civile avait été déclarée inapte par la médecine du travail

  37. Eléments du délit de harcèlement moral • Pour sa défense, le prévenu niait tout acharnement personnel, et invoquait un contexte de compétitivité extrême impliquant des méthodes de travail parfois un peu rudes et éprouvant sans doute quelque amertume à la perspective d’une condamnation pour des faits qui avaient cessé quelques jours après l’entrée en vigueur de la loi, il soulevait à titre liminaire l’inapplicabilité de celle-ci pour contravention au principe de non-rétroactivité de la loi pénale en arguant d’un retard dans la réception du Journal officiel à la préfecture de son département • Il en tirait pour conséquence que, la loi ne lui étant de ce fait opposable qu’à la date du 22 janvier 2002, elle lui était inapplicable car les faits reprochés s’étaient pour la majorité d’entre eux produits à une époque antérieure.

  38. Eléments du délit de harcèlement moral • Le tribunal rejette cette défense en qualifiant l’infraction de “délit d’habitude” pouvant être poursuivi sur le fondement du nouveau texte sans méconnaître le principe de non-rétroactivité puisque les faits dénoncés s’étaient déroulés “sur une période antérieure et postérieure à l’entrée en vigueur de la nouvelle loi” • On notera toutefois une légère hésitation des juges qui mentionnent quelques lignes plus loin un “caractère continu” qui serait inhérent “à la définition même de cette infraction” • On peut en effet hésiter sur le caractère habituel ou continu du délit, le premier se disant des infractions dont la définition nécessite “la réunion de comportements identiques les uns aux autres” et le second de celles “dans la définition de laquelle la loi inclut, comme élément nécessaire, la répétition de leur résultat”

  39. II – Précisions jurisprudentielles

  40. Précisions jurisprudentielles • TA Versailles, 15 oct. 2004, Balenguer: Harcèlement moral: faute personnelle et faute de service • TA Besançon, 11 décembre 2003, n° 02-539: des conditions de travail indignes sont constitutives de harcèlement moral • CE, 24 nov. 2006, n° 256313, Annie B: du harcèlement moral dans la fonction publique … responsabilité de l’employeur public et faute de la victime

  41. Précisions jurisprudentielles • TA Amiens, 7 juin 2007, n° 0501953: le suicide d’un fonctionnaire pendant son service ne suffit pas à établir la responsabilité du service • TA Nouvelle-Calédonie, 26 juillet 2007, n° 06281: la notation ne peut prendre en compte le dépôt d’une plainte contre le chef de service

  42. Précisions jurisprudentielles • Cass. Crim 21 juin 2005 n° 04-86.936: un des premiers arrêts de la Haute juridiction judiciaire jugeant le délit de harcèlement moral constitué • TA Lyon, 11 décembre 2003, n° 0200103: obligation de protéger l’agent à l’égard de son supérieur • CAA Nancy, 2 août 2007, n° 06NC01324: harcèlement moral ouvrant droit à la protection fonctionnelle

  43. Précisions jurisprudentielles • La recherche de la faute du chef de service pour harcèlement moral est le résultat d’un faisceau d’indices convergents qu’il est difficile pour l’agent victime de réunir ; les indices doivent être pluriels et le fait que le responsable de l’administration ait maladroitement placé à la tête de l’un de ses services une autre personne sans avoir préalablement informé l’actuel chef de service, avec qui il entretient des relations délétères, ne peut suffire à constituer le délit de harcèlement moral (CA Aix-en-Provence, 1er mars 2005, Segond C/ Ollier) • On remarquera que si le harcèlement n’est pas établi au plan pénal, l’agent ne peut demander à son administration l’exercice du droit à protection prévu à l’article 11 du Titre I (L. 13 juillet 1983) (CAA Bordeaux 24 juin 1999, Hyacinthe)

  44. II I – Quelles procédures applicables?

  45. La répression du harcèlement moral • Le choix de la juridiction devant laquelle l’agent s’estimant harcelé poursuivra son harceleur dépendra de la qualification de la faute de ce dernier • S’il s’agit d’une faute personnelle, c’est-à-dire intentionnelle ou particulièrement grave et en tant que telle détachable de service, la victime pourra poursuivre le harceleur devant une juridiction pénale • Elle aura également le choix de poursuivre l’administration devant le juge administratif en vertu de la théorie du cumul des responsabilités si la faute personnelle a été commise « en service »

  46. La répression du harcèlement moral • La victime ne pourra pas être indemnisée deux fois si elle engage les deux procédures • L’administration ayant versé l’indemnité sera alors subrogée dans les droits de la victime si celle-ci engage une action contre le harceleur • Si la faute du harceleur est au contraire une faute de service, la victime pourra alors uniquement engager la responsabilité de l’administration devant le juge administratif

  47. La non-rétroactivité de la loi de modernisation sociale • La non rétroactivité en contentieux administratif • Si l’article 2 du Code civil affirme que la loi n’a pas d’effet rétroactif et qu’elle « ne dispose que pour l’avenir » , ce n’est pas sur cet article que s’appuie le juge administratif pour appliquer le principe de non—rétroactivité de la loi • Il rattache en effet cette non-rétroactivité aux principes généraux du droit (CE 31 janvier 1951, Sieur Guillou)

  48. La non-rétroactivité de la loi de modernisation sociale La non-rétroactivité en procédure pénale • Si la règle de l’article 2 du Code civil prévaut en la matière, celle-ci est réaffirmée par l’article 122-l du Code pénal • L’alinéa 3 de cet article prévoit cependant une exception, qui est celle de la rétroactivité in mitius, selon laquelle si la loi nouvelle est plus douce que l’ancienne, cette nouvelle loi sera applicable aux faits commis avant sa promulgation et non définitivement jugés • Mais l’application de cette exception à l’incrimination du harcèlement moral a été écartée le 22 avril 2002 par le Tribunal de grande instance de la Roche-sur-Yon car si la loi nouvelle prévoit des sanctions moins sévères notamment que les dispositions plus anciennes concernant la violence avec préméditation , elle contient en même temps des dispositions plus sévères puisqu’elle incrimine également des situations qui auparavant n’étaient pas pénalement répréhensibles

  49. La preuve du harcèlement moral • La charge de la preuve • La charge de la preuve dans le cadre du contentieux administratif incombe au demandeur, donc en l’occurrence à la victime du harcèlement • En ce qui concerne la procédure pénale, la charge de la preuve pèse sur le ministère public, mais d’autres acteurs peuvent intervenir dans l’administration de la preuve, à savoir le juge et les parties au procès

  50. La preuve du harcèlement moral • Le mode de preuve • Les deux procédures, administrative et pénale, sont régies par le principe de la liberté de la preuve, qui peut être rapportée par tous les moyens • La victime (aidée, lors du procès pénal, des autres acteurs intervenant dans l’administration de la preuve) devra donc constituer un faisceau d’indices de manière à permettre au juge de forger son intime conviction • Outre le récit détaillé et précis des faits par la victime, les indices concevables dans le cas du harcèlement moral peuvent être des preuves matérielles si les agissements répétés de harcèlement se sont traduits par des écrits ou encore si la victime a entretenu une correspondance avec le harceleur faisant état de ces agissements, des témoignages de personnes ayant vu le harceleur commettre des faits constitutifs de harcèlement, des attestations ou arrêts de maladie émanant du médecin du travail ou du médecin traitant lorsque le harcèlement subi par la victime a provoqué une altération de sa santé

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