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Lamarck (1744 – 1829)

Chez Diderot, dans La Lettre sur les aveugles (Gallimard, 1951), on trouve un discours de rejet de l’existence d’un Dieu créateur: « Un phénomène est-il à notre avis, au dessus de l’homme ? Nous disons aussitôt : c’est l’ouvrage d’un Dieu » (DIDEROT D., 1749, p. 869).

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Lamarck (1744 – 1829)

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Presentation Transcript


  1. Chez Diderot, dans La Lettre sur les aveugles (Gallimard, 1951), on trouve un discours de rejet de l’existence d’un Dieu créateur: « Un phénomène est-il à notre avis, au dessus de l’homme ? Nous disons aussitôt : c’est l’ouvrage d’un Dieu » (DIDEROT D., 1749, p. 869). • D’où l’idée que la création peut s’expliquer par des causes naturelles, ce serait « la matière en fermentation » qui aurait fait « éclore l’univers ». Dans ce texte de 1749, on aurait une première intuition d’évolution. « Si nous remontions à la naissance des choses et que nous sentissions la matière se mouvoir et le chaos se débrouiller, nous rencontrerions une multitude d’êtres informes pour quelques êtres bien organisés… Je conjecture donc, poursuit Diderot, que dans le commencement où la matière en fermentation faisait éclore l’univers, mes semblables étaient fort communs…Combien de mondes estropiés, manqués, se sont dissipés, se reforment et se dissipent peut-être à chaque instant dans des espaces éloignés » (DIDEROT D., 1749, Ibid., p. 871). Idée d’évolution, ou plutôt d’origine matérielle de la vie.

  2. Le monde, comme le vivant, seraient donc la réalisation d’un possible, d’une combinaison, d’un ordre. Mais il n’est plus nécessaire d’y faire intervenir Dieu…C’est plutôt une réaction de rejet qu’une démonstration convaincante. C’est surtout l’incohérence des ‘preuves’ de l’existence de Dieu, reposant sur l’ordre et l’harmonie du monde, que Diderot rejette; en même temps il affirme que de multiples combinaisons de matière peuvent exister spontanément et produire le vivant. • Dans L’entretien avec D’Alembert, Diderot écrit: « Mangez, digérez, distillez…Et celui qui exposerait à l’Académie, le progrès de la formation d’un homme ou d’un animal n’emploierait que des agents matériels dont les effets successifs seraient un être inerte, un être sentant, un être pensant… ».

  3. Question de l’origine des êtres et d’une possible évolution : « D’Alembert – Mais sans les germes préexistants, la génération première des animaux ne se conçoit pas. Diderot – Si la question de la priorité de l’œuf sur la poule ou de la poule sur l’œuf vous embarrasse, c’est parce que vous supposez que les animaux ont été originairement ce qu’ils sont à présent. Quelle folie ! On ne sait non plus ce qu’ils ont été qu’on ne sait ce qu’ils deviendront. Le vermisseau imperceptible qui s’agite dans la fange, s’achemine peut-être à l’état de grand animal ; l’animal énorme, qui nous épouvante par sa grandeur, s’achemine peut-être à l’état de vermisseau… » DIDEROT D., 1769, Entretien avec D’Alembert, Œuvres complètes, La Pléiade, Gallimard, 1951, p. 908. • Puis vient cette affirmation fondamentale : « Tout se tient dans la nature ». Ce n’est pas encore de l’évolutionnisme en tant que théorie biologique mais c’est déjà la solution philosophique du « continuisme » aux difficultés posées par la multiplicité des espèces. De différentes manières, des personnalités aussi éloignées que Buffon et Diderot y souscrivent. DIDEROT D., Ibid., p. 908.

  4. Lamarck (1744 – 1829) • Jean-Baptiste de Lamarck (1744-1829) n’a pas fait que d’écrire les ouvrages considérables que sont la Philosophie zoologique, de 1809, où il présente ses premières thèses « transformistes » et l’Histoire des animaux sans vertèbres, publiée à partir de 1815. Lamarck est l’auteur d’environ 50 volumes ; en 1793, à la création du Muséum national d’Histoire naturelle, il s’est vu confier la chaire de zoologie des invertébrés, soit les 9/10 du monde animal connu à l’époque, 135 000 espèces. Avant de promouvoir le transformisme, Lamarck fut un savant, un chercheur infatigable. Lamarck, s’il fut parmi les grands classificateurs de plantes d’abord et d’invertébrés ensuite, a aussi donné le sens de certains mots comme « invertébrés ». Il estimait qu’il n’y a pas de science possible sans philosophie préalable. • Cf. CORSI P., 2001, Lamarck, genèse et enjeux du transformisme, CNRS. LAURENT G., 1995, « La philosophie de Lamarck », Bulletin d’Histoire et d’Epistémologie des Sciences de la Vie, 1995, 2, 1, pp. 70-80. LAURENT G., 1997, « Jean-Baptiste Lamarck, sa vie, son oeuvre », Lamarck, Editions du CTHS, Paris, 19-30.

  5. Partant de l’être le plus imparfait, la « monade » qui « est la matière à peine animalisée », Lamarck entrevoit la naissance et la complexification de la vie en regardant le tableau des êtres vivants se déployer des plus imparfaits au plus parfaits. Pour Lamarck, le besoin de l’individu est commandé par le milieu, mais ce besoin commande les actions de l’animal, et par conséquent les acquisitions morphologiques, c'est-à-dire le développement des organes qui sont obtenus par l’habitude LAURENT G., 1995, Ibid., p. 77. • Lamarck regarde en premier lieu l’individu vivant. Comme Buffon, il reprend l’ensemble des actions des milieux sur le vivant, sa vision est probablement mécaniste mais a pu être interprétée comme une forme atténuée de vitalisme. Le vivant réagit aux sollicitations du milieu.

  6. Dans La philosophie zoologique (1809), c’est le besoin de l’individu qui est commandé par le milieu mais qui commande lui-même les actions et les acquisitions morphologiques obtenues par l’habitude. • « De grand changements dans les circonstances amènent, pour les animaux, de grands changements dans leurs besoins, et de pareils changements dans les besoins en amènent nécessairement dans les actions. Or, si les nouveaux besoins deviennent constants ou très durables, les animaux prennent alors de nouvelles habitudes, qui sont aussi durables que les besoins qui les ont fait naître » (1809, 1, 221).

  7. Lois de l’usage et du non usage, hérédité des caractères acquis. « Tout ce que la nature a fait acquérir ou perdre aux individus par l’influence des circonstances où leur race se trouve depuis longtemps exposée, et par conséquent par l’influence de l’emploi prédominant de tel organe, ou par celle d’un défaut constant d’usage de telle partie, elle le conserve par la génération aux nouveaux individus qui en proviennent, pourvu que les changements acquis soient communs aux deux sexes ou à ceux qui ont produit ces mêmes individus » (1809, I, 235).

  8. Il s’agit donc d’un essai d’approfondissement des interactions entre le milieu et les individus vivants: le vivant pose des actes successifs pour réagir aux changements d’un milieu vu comme hostile. Il y a une notion d’effort et de développement individuel dans une durée, ce qui sera réinterprété par les néo-lamarckiens de la fin du 19ème et par un philosophe: Bergson. Lamarck lui-même voit certes l’espèce dans la dépendance du développement et de la génération des individus successifs, mais il la voit aussi comme constituée par une somme d’acquisitions mécaniques de nouveaux caractères. • La vie ou plutôt la matière vivante porte en elle une tendance à la complexification, qui permet l’adaptation aux circonstances.

  9. André Pichot, dans Histoire de la notion de vie, écrit: « Chez Lamarck, l’adaptation est expliquée non par la sélection naturelle des formes les plus adaptées, mais soit par l’action directe du milieu sur l’organisme, soit par son action indirecte, « déclenchante », combinée à la complexification, qui limite les circonstances extérieures » (1994, p. 43). • Pour Lamarck, le corps est vivant est comme une « composition », « il s’opère sans cesse dans tout le corps qui jouit s’une vie active (…) des combinaisons de divers genres, que les circonstances des différents actes de la vie et les résultats de ces actes mettent uniquement dans le cas de s’effectuer; combinaisons qui, sans ces résultats et ces circonstances, n’eussent jamais eu lieu » (1809, II, Ch. VIII).

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