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Monet et le Japon • Après l'exposition Vincent van Gogh à la Fondation Pierre Gianadda en 2000, Léonard Gianadda estimait avoir atteint des sommets définitifs. Cette exposition de tous les superlatifs, par le nombre de visiteurs et sa couverture médiatique dans le monde, semblait un rêve destiné à ne pas être renouvelé. Comment faire mieux que l'exposition Van Gogh, répétait le patron de la Fondation à qui voulait bien l'entendre? Depuis lors, la Fondation Pierre Gianadda a accueilli des grands ensembles de peinture (la collection française du musée Pouchkine, la collection Phillips de Washington, la peinture européenne du Metropolitan Muséum) et elle a mis Rodin, Chagall ou Picasso à l'affiche. La réunion à Martigny de 70 peintures de Claude Monet représente cependant une nouvelle surprise. L'intérêt de cette nouvelle exposition de Monet, qui survient après l'énorme succès Monet au Grand Palais de l'hiver 2010-2011 (21 semaines, 913 000 visiteurs), est de présenter les peintures de Marmottan et des collections suisses en parallèle à la collection d'estampes japonaises de Monet. Les liens entre les peintures et les estampes seront une découverte pour beaucoup de visiteurs. Ces œuvres, qui ont été si importantes pour les impressionnistes, rappellent des décennies d'échanges stimulants. La modernité s'est construite dans ce rapport au monde, bien avant que l'on imagine la globalisation. Le plus surprenant, n'est-ce pas de penser qu'en ce début de troisième millénaire, estampes japonaises et peintures de Monet se rencontrent en Valais? Là-dessus, Léonard Gianadda ne nous contredira pas. Véronique Ribordy
« Facile? Incroyable plutôt! » La FONDATION GIANADDA PRESENTE 70 tableaux de claude monet: un record ! • II faut relier cet événement Monet a l’installation de Léonard Gianadda sous la coupole en 2003. Devenu membre de l'Académie des beaux-arts, le mécène voyait des lors s’ouvrir de nouvelles portes, dont celles du Musée Marmottan. Cette institution appartient à l'Académie des beaux-arts depuis sa création en 1934. « Entré dans la maison », le patron de la fondation se voyait offrir de nouvelles perspectives. « Facile? En fait, obtenir autant de tableaux, c’est incroyable, s’exclame Léonard Gianadda, cela nous permet de couvrir la plupart des thèmes représentatifs de l’œuvre de Monet ». Il rappelle que les expositions précédentes présentaient une moyenne de 50 oeuvres. C‘était le cas pour les prêts venus des États-Unis, de la Phillips Collection ou du Metropolitan ou encore du musée Pouchkine de Moscou: « 50 tableaux c’était notre chiffre » et cela permettait de remplir la Fondation. Pour Monet il faudra déborder sur les salles en sous-sol, où sont généralement installées les oeuvres sur papier. Léonard Gianadda se souvient qu'il y a trente ans, lorsqu’il construit une fondation de toutes pièces à Martigny, aucun musée n’était disposéà lui prêter des œuvres. La confiance est venue petit à petit. Les institutions lui font désormais des propositions, que ce soit Pouchkine à Moscou, le Musée Pompidou Beaubourg qui prépare pour lui une exposition autour du portrait ou celui de Berne qui promet une nouvelle présentation du peintre vaudois Biéler. A cet intérêt des milieux de la culture s'ajoute la reconnaissance politique. Le jour du vernissage de Claude Monet, Léonard Gianadda a été décoré de l'insigne de commandeur, le troisième et le plus haut grade de la Légion d'honneur, décerné par le président de' la République Véronique Ribordy
Sur la plage à Trouville 1870-1871 Musée Marmottan
La promenade d’Argenteuil 1872 Collection particulière
Promenade près d’Argenteuil 1873 60x81 cm Musée Marmottan
Bateaux à Rouen 1873 Collection particulière
Les bords de la Seine au petit Gennevilliers 1874 Collection particulière
La neige à Argenteuil 1875 Musée d’Art et d’histoire de Genève.
Le boulevard de Pontoise à Argenteuil; neige. 1875 Kunstmuseum de Bâle
Le Pont de l’Europe, Gare Saint Lazare 1877 64x81 cm Musée Marmottan
Le marchand des impressionnistes PAUL DURAND-RUEL «QUE L'ON TRAITAIT DE FOU ET QU'À CAUSE DE NOUS L'HUISSIER A FAILLI SAISIR» • Vingt ans après sa construction, le quartier de la gare Saint-Lazare à Paris attire les peintres et leurs marchands. Manet (1832-1883), Caillebotte ( 1848-1894), Monet ( 1840-1926) viennent y peindre des motifs modernes, rails, locomotives, jets de vapeur... Le marchand Paul Durand-Ruel (1831-1922) y habite. Paul Durand-Ruel a dès 1870 le «coup de fêlure» pour les Impressionnistes, suivant l'expression d'Emile Zola, et il les soutient avec une foi inébranlable, malgré les scandales et deux faillites. Monet le reconnaît à la fin de sa vie: « …Il n 'y a qu 'une personne à qui je doive quelque chose, c'est à Durand-Ruel que l'on traitait de fou et qu'à cause de nous l'huissier a failli saisir. .. » Paul Durand-Ruel habitait rue de Rome un appartement entièrement rempli de toiles de peintres impressionnistes et «que quittent invariablement avec une ophtalmie les personnes qu'il convie à le visiter», d'après le compte rendu d'un journaliste invité dans les années 1890. Entre 1870 et sa mort en 1922. Paul Durand-Ruel a acheté 400 Degas, 400 Sisley, plus de 1000 Monet, environ 800 Pissarro, près de 200 Manet, environ 1500 Renoir, près de 400 Mary Cassait, etc. Les toiles étaient bien sûr destinées à être vendues, mais le marchand en avait choisi 370, dont une centaine de Monet, pour sa collection privée. La famille Durand-Ruel vivait donc dans un appartement aux murs littéralement recouverts de toiles, de l'antichambre (57 tableaux) au cabinet de toilette (23 tableaux). Les critiques d'art et les riches amateurs invités à dîner chez les Durand-Ruel mangeaient sous le «Déjeuner des Canotiers» de Renoir (aujourd'hui dans la Phillips Collection, Washington), entouré par «La Terrasse» (Art Institute, Chicago) et «La Loge» (Art Institute, Williamstown). Le reste des murs était colonisé par vingt-trois autres tableaux, parmi lesquels des Monet. Après la mort de Paul Durand-Ruel en 1922, la collection a été dispersée.
Le train dans la neige, locomotive. 1875 Musée Marmottan
Bois d’oliviers au jardin Moreno à Bordighera 1884 Collection particulière
Les oliviers à Bordighera 1884 Collection particulière
Vallée de Sasso, effet de soleil. 1884 Musée Marmottan
Deux vases de chrysanthèmes 1888 Collection particulière
Deux estampes de la collection de Giverny du peintre HIROSCHIGE vers 1853-1856.
Pleine mer, gros temps 1880 Collection particulière pleine mer 0021 1880
Tempête sur la côte de Belle Île 1886 Collection particulière
«On dirait le Japon» LA COLLECTION D'ESTAMPES JAPONAISES DE MONET À GIVERNY • Pendant l'exposition Claude Monet, la Fondation Pierre Gianadda présente aussi la collection d'estampes japonaises du peintre, toujours conservée à Giverny. La propriété de Claude Monet à Giverny est devenue un musée ouvert au public depuis 1980. On y visite les jardins et la maison elle-même, dans laquelle Monet a vécu de 1883 à 1926. Le décor très coloré et le mobilier reportent le visiteur au moment où la maison était habitée par la nombreuse famille de Monet. Les visiteurs découvrent aussi la collection d'estampes japonaises du peintre, dans l'accrochage imaginé par le maître des lieux. Cinquante-six gravures dans la salle à manger, des gravures dans l'entrée, le salon, l'escalier, les chambres et les cabinets de toilette. La cuisine échappe à cette invasion, ainsi que la chambre à coucher de Monet qui contenait sa collection de toiles d'amis impressionnistes et son atelier, où il exposait son travail. Cette collection rappelle le profond intérêt des artistes européens contemporains de Monet pour les estampes japonaises. Si Monet a été le collectionneur le plus assidu, Manet, Degas, Whistler, Van Gogh, Gauguin, Bonnard, Rodin et bien d'autres collectionneurs (les Concourt, Camondo) s'y sont intéressés. Les «ukiyo-e», ou «images du monde flottant», deviennent une source d'inspiration pour les peintres impressionnistes. L'influence des estampes se retrouve dans les œuvres de Monet par le choix des motifs, la composition, les cadrages décalés qui repoussent le sujet sur le côté, l'utilisation des diagonales ou des lignes en S. On retrouve le goût de Monet pour le Japon dans l'aménagement de son jardin d'eau, avec son pont japonais, qui rappelle le «monde flottant» des grands maîtres de l’ ukiyo-e. Le maître de Giverny n'a pas fait le voyage du Japon, il a par contre cru le reconnaître lors de son voyage en Norvège en 1895: «J'ai là un motif délicieux, écrit-il à sa belle-fille Blanche Hoschedé, des petites îles au ras de l'eau, toutes couvertes de neige et au fond une montagne. On dirait le Japon...» Parmi les amis, acheteurs et collectionneurs de Monet figuraient évidemment des Japonais... qui lui ont parfois offert de nouvelles estampes pour agrandir sa collection. Véronique Ribordy
Portrait de Poly 1886 Musée Marmottan
Portrait de femme 1890-1895 Craies rouges et noires sur papier Collection particulière
Reflets d'une vie CLAUDE MONET, CHEF DE FILE DES IMPRESSIONNISTES • Claude Monet, bien que né à Paris en 1840, grandit au Havre où sa famille s'installe en 1845. C'est là qu'il fit la connaissance d'une personne déterminante dans sa vie et dans sa carrière, le peintre Eugène Boudin (1824-1898). En lui apprenant à peindre en extérieur directement sur le motif, Boudin a fait de lui le chef de file des impressionnistes. «Sur la plage à Trouville» (Musée Marmottan, 1870) témoigne de cet apprentissage. Son attachement à la Normandie ne l'a pas empêché de voyager énormément: en 1884, Monet ramène d'un séjour à Bordighera et Menton une série de paysages, dont «Vallée de Sasso. Effet de soleil»; «Champs de tulipes en Hollande» rappelle un voyage de 1886. L'année suivante, il est accueilli à Londres par le peintre Whistler, en 1888, il s'installe à Antibes où il réalise une série de marines. En 1895, il séjourne en Norvège («Le Mont Kolsaas»). Entre 1899 et 1900, il retourne plusieurs fois à Londres («Londres. Le Parlement. Reflets sur la Tamise»). Partout, il s'attache à décrire les effets atmosphériques, lumière, neige, brouillard, reflets sur l'eau. En 1883, Monet s'installe à Giverny, aux portes de la Normandie (75 km de Paris). Il y achète un domaine en 1890 et commence à construire un jardin d'eau. Les marchands Georges Petit, Durand-Ruel, Bernheim-Jeune l'exposent régulièrement dès 1883.Après la mort de sa seconde femme, Alice, en 1911, puis de Jean, son fils aîné en 1914, il ne bouge presque plus de Giverny. Son jardin lui permet de satisfaire ses envies picturales et de créer lui-même son motif. Les «Nymphéas» l'occupent pendant les années de guerre. En 1918, il fait don de plusieurs grands panneaux à l'Etat. Après plusieurs années de tractations, les grandes décorations de Monet forment un ensemble de 22 panneaux. L'Etat prévoit de les installer à l'Orangerie. En 1923, la Galerie Durand-Ruel montre 18 tableaux de Monet à New York. Claude Monet meurt le 5 décembre 1926 et est enterré à Giverny. Ses «Grandes Décorations» sont inaugurées à l'Orangerie le 17 mai 1927. VR
Londres, le parlement, reflets sur la Tamise 1899-1901 Musée Marmottan
Le jardin d'un peintre À GIVERNY, MONET LAISSE LIBRE COURS À SA PASSION POUR LES FLEURS ET LE JARDINAGE • Qui aime les jardins doit lire les pages passionnantes que Dany Sautot consacre au «prodigieux jardinier» dans le catalogue Claude Monet de la Fondation Pierre Gianadda. Car les tableaux de Monet ne mentent pas. Claude Monet était un très grand connaisseur de l'art des jardins et un passionné de fleurs, ce que reflètent ses tableaux depuis des «Champs de coquelicots près de Vétheuil» de 1879 au «Champ de tulipes en Hollande» de 1886, bien avant les iris, agapanthes, glycines, nymphéas et les rosés innombrables que le peintre plante, et peint, à Giverny où il s'installe dès 1883. Claude Monet partage son amour du jardin dans sa correspondance avec ses amis, eux-mêmes souvent des jardiniers émérites, Octave Mirbeau (1848-1917), Gustave Caillebotte (1848-1894), ou Georges Clemenceau (1841-1929). A Giverny, Monet sème, plante, transforme. Il crée les fameuses «boîtes de peintures» - trente-huit plates-bandes de fleurs de couleur unique, disposées par deux, de haut en bas du jardin, ordonnées en floraisons successives. Ces plates-bandes s'inspirent des champs de tulipes monochromes découverts dans les environs de La Haye en 1886. Afin de structurer son jardin de fleurs, Claude Monet imagine faire grimper clématites et rosiers à l'aplomb des murs et sur des structures métalliques. Son jardin ne ressemble à aucun autre. A l'automne 1890, Claude Monet possède enfin les moyens d'acquérir la maison de Giverny. Son obsession se porte désormais sur la création d'un jardin d'eau. Il imagine une «prise» d'eau dans l'Epte, creuse un bassin rectangulaire, agrémenté d'un pont japonais. Palissées sur un treillage, deux glycines surmontent le pont. Pour ce plan d'eau, Claude Monet se procure toutes sortes de plantes aquatiques. Le jardin d'eau est serti dans une végétation dense de trembles et de peupliers. L'extrême modernité de Claude Monet jardinier se lit dans son désir de faire vivre le jardin le plus longtemps au cours de l'année. Il y superpose le temps des saisons en floraisons et feuillaisons successives. Entre 1976 et 2011, Gilbert Vahé, chef jardinier à Giverny, a redonné sa splendeur au jardin imaginé par Claude Monet. Les jardins de Monet à Giverny, le jardin de fleurs, ou Clos Normand, et le jardin d'eau sont ouverts au public du 1er avril au 1er novembre. Nos remerciements à Dany Sautot, une contribution à lire dans le catalogue de l'exposition Claude Monet Voir aussi http//giverny.org/gardens/ jardins.htm
Nymphéas, effet du soir 1897-1898 Musée Marmottan
Nymphéas 150x197 cm 1916-1919 Musée Marmottan
Nymphéas Vers 1914 Collection particulière