Les enjeux de la consommation alimentaire La nouvelle compétition internationale et la crise

1. Les enjeux de la consommation alimentaire La nouvelle compétition internationale et la crise Dominique Desjeux Professeur d’anthropologie sociale et culturelle à la Sorbonne (Université Paris Descartes, Paris 5) Directeur de la formation doctorale professionnelle www.argonautes.fr D. Desjeux, 2004, Les sciences sociales, Que sais-je?, PUF D. Desjeux, 2006, La consommation, Que sais-je?, PUF S. Alami, D. Desjeux, I. Moussaoui, 2009, Les méthodes qualitatives, Que sais-je?, PUF Ambitions 2020, St Martind’Auxigny, le 16 avril 2009

2. Comprendre notre environnement en se décentrant : le monde vu d’Europe Le Cher

3. Le monde vu des USA (par Gérard Chaliand et Jean Pierre Rageau, Atlas Stratégique, Fayard,1983)

4. Le monde vu de Chine Un puzzle d’enfant qui représente la Chine comme le centre du monde, Zhong Guo, signifie « le pays du milieu »

5. Les cadres de la compréhension de la consommation 1 - Les échelles d’observation de la consommation alimentaire 2 - Les trois grandes instances de fonctionnement de la consommation Matérielles (énergie, eau, terre) Social Symbolique

6. Les quatre grandes échelles d’observation de la consommation alimentaire La géopolitique La montée des classes moyennes urbaine un changement structurel aussi important que la crise boursière et économique Macro-social biologique Meso-social Le système d’action politico-économique alimentaire en France et en Europe les groupes de pression de plus en plus important avec montée de l’arbitrage des tribunaux Micro-social Le système de gestion domestique de la consommation Micro-individuel La consommation individuelle Échelle des « cellules »

7. Les BRICs : la nouvelle donne géopolitique source de la nouvelle competition pour la consommation de masse Les PIB en Trillions de $ en 2050 (IHT, JULY 10, 2004)

8. Les grands pays émergeants démographiquement et la montée des classes moyennes • L’hypothèse générale est que la crise boursière, financière, industrielle et économique actuelle cache une autre réalité, la montée en puissance économique, politique, voire militaire, des pays émergeants dont les BRICs, entre 1980 et 2007 • Chine PIB multiplié par 12,7 • Inde multiplié par 5 • Les pays émergeants devenant plus riches cela a favorisé l’émergence d’une classe moyenne, associé à : • Un travail rémunéré pour les femmes et donc plus de revenu (cf. le 18ème en Europe de l’Ouest) • La diffusion des plats tout préparés (cf. les années soixante en France) • La mise en place de la grande distribution, qui représente 90% des achats alimentaires dans le monde) • etc. • Cette classe moyenne est de plus en plus nombreuse en Chine, en Inde, au Mexique, au Brésil, et en Indonésie (261M/h) • Surtout elle a changé son mode de vie par rapport • à la mobilité (plus d’achats de voiture) • à l’habitat (décoration, bricolage et NTIC) • à la cuisine (électroménager) • à l’alimentation • plus de produits carnés et de produits laitiers (et de légumes suivant les cas), plus de sucre et d’huiles végétales • moins de produits traditionnels comme le riz et les produits à base de farine de blé ou à base de maïs, moins de tubercules • Une partie des sources chiffrées sont d’après J.Y. Carfantan (2009)

9. La nouvelle consommation mondiale : tensions entre nouveaux mode de vie et rareté des ressources • Ces changement de mode de vie et de consommation alimentaire entraine une demande indirecte plus forte de graines qui servent à nourrir les animaux pour produire de la viande ou des produits lactés. • Jean Yves Carfantan rappelle dans son livre Le Choc alimentaire mondial (2009), que en 2040 il faudra nourrir 5,7 MM d’urbains qui demandent une alimentation diversifiée, plus riche en protéine, et ceci avec : • moins de terres cultivables • moins d’eau • Des matières première ferreuses et non ferreuses pour les machines plus rares et plus chères • une énergie pour les intrants (et la circulation des biens) plus rare et plus chère depuis les années 1990 • Rappel : toute la croissance de l’occident c’est faite grâce à une énergie fossile bon marché, charbon et pétrole, et aux ressources de la chimie. • Et donc avec des risques de manquer de matières premières • C’est ce risque de manque, lié au problème de leur répartition, qui structure la compétition à venir pour garantir la sécurité alimentaire • accès à la terre • accès aux aliments pour tous à des prix accessibles • Concurrence avec les agrocarburants (90% produits dans trois pôles) : canne à sucre au Brésil, maïs aux USA, Colza en Europe (soit 1,3% des surfaces mobilisées pour la culture)

10. La montée de la nouvelle classe moyenne chinoise • La Chine est devenue la 3ème puissance économique mondiale en 2008 avec un PIB de 3 500 MM $ (3,5 trillions $ pour 44,4 trillions $ prévus en 2050) • derrière le Japon à 4 400 MM $ • et les USA à 13 800 trillions $ (35,1 trillions $ prévus en 2050) • contre 2 500 MM $ pour la France en 6ème position. • Un trillion = un milliard de milliard (de $) • La Chine estime que l’accès aux ressources naturelles ne joue pas en sa faveur. Elle est d’autant plus inquiète • que le nombre des mouvements sociaux va en augmentant, ils sont estimés à 120 000 en 2008 contre 47 000 en 2004 (Herald Tribune du 10/02/2009) • et que la croissance chinoise passerait d’une croissance à 11,9% en 2007 à 6% en 2009. • Cette chute de l’activité économique peut augmenter le chômage qui est passé officiellement de 4% à 4,5% entre mi-2008 et fin 2008 (Les Echos du 24/11/09), et donc les risques de mouvement sociaux. • Surtout cette baisse peut remettre en cause le pacte social de fait entre le gouvernement et les classes moyennes chinoises qui sont entrées dans la société de consommation depuis 1995/1997 et qui ont vu leur niveau de vie largement s’améliorer. • D’après J.Y Carfantan citant McKinsey il y aurait en Chine : • une classe moyenne supérieure de 105 M de consommateurs avec un revenu de 4 800$ à 12 500$ • Une classe moyenne inférieure de 190 M de nouveaux consommateur avec un revenu de 3 000$ à 4 800$

11. La concurrence entre agro-carburant et culture alimentaire : la concurrence sur l’usage des terres • La période actuelle rappelle les tensions des années 1960/70 liés à la concurrence entre cultures d’exportation et cultures vivrières dans le tiers monde et en Afrique • Mais à l’époque l’occident possédait encore la force militaire pour imposer l’ordre mis en place au 19ème siècle pour contrôler l’accès aux matière premières et aux terres hors d’Europe. • Aujourd’hui, il y a concurrence mondiale et locale entre le développement • des villes (et des golfs comme autour de Guangzhou en Chine), • des voies de communication • des terres pour produire de l’énergie • les terres pour les productions alimentaires vivrière ou d’exportation • Les pays en émergence tentent de garantir leur accès à l’énergie et à sécuriser leur production alimentaire • Risque de la montée du protectionnisme de la part de tous les pays ce qui a été une des causes de l’aggravation de la crise de 1929

12. Insécurité alimentaire dans le monde Chine Corée Inde Arabie Saoudite Egypte Lybie Achat et location de terres pour la sécurité alimentaire et énergétique (biocarburant)

13. La terre agricole un nouvel actif stratégique ? : les stratégies de délocalisation agricoleLe Monde du 15 avril 2009 (interview de Jean Yves Carfantan)

14. La course aux terres arables s’explique pour une part par la montée des cours en 2007/2008 et la menace que cela fait peser sur la consommation des classes moyennes et des pauvres Libération du 22/12/2008

15. Evolution de la consommation des Français à l’échelle macro-sociale Baisse relative de la consommation alimentaire Montée des dépenses contraintes : le logement, la mobilité, l’éducation et la santé Apparition d’une nouvelle dépense contrainte : les médias et les loisirs numériques Avec la crise : émergence de consommations économes

16. L’évolution de la structure des dépenses de consommation entre 1960 et 2006 (INSEE) : baisse de la consommation alimentaire (Libération du 15 novembre 2007) Les changements de mode de vie Signes de l’importance des enjeux Énergétiques Mobilité Chauffage Soins du corps cuisine Transport Biens et services dont restauration Logement Education Communication Santé Produit alimentaire Boissons non alcoolisées 16 % Produit alimentaire boissons non alcoolisées 27%

17. Montée des dépenses contraintes : dépenses liées au logementLibération du 15 novembre 2007

18. Monter de la consommation numérique : une nouvelle dépense contrainte liée au nouveau mode de vie (Les Echos 20 octobre 2008) Dépense des ménages pour les médias et loisirs numériques 8% en moyenne en 2008 La communication comptait pour 0,6% dans le budget des ménages en 1960

19. Montée du pouvoir d’achat et du chômage : émergence de nouveaux comportements face à la crise, Les Echos 2/12/2008 • Un comportement attentiste avec report d’achat • cuisines intégrées • Augmentation de l’épargne en France et surtout aux USA. Forte épargne en Chine qui compense le manque de sécurité sociale ce qui freine la consommation intérieure chinoise • Consommation plus économe • Baisse de la fréquentation des restaurants et montée des fast foods et sandwichs • Montée du hard discount • Baisse des ventes de lessive (réduction des doses, plus de linge dans la machine, on porte les vêtements plus longtemps, les Echos du 30/03/2009) • Lingette 6 -,7% et plus d’éponges • Moins de vidanges de voiture • Plus de pratiques de cuisine • Pâtisserie industrielle – 1,0% ; farine et machine à pain + 10,5 • Eaux minérales – 11,1% ; carafe Brita + 25% • Baisse des prévisions de vacances • (Le Parisien du 6/04/09, Pascale Hebel, CREDOC) • Offre pour faire baisser les prix • Retour du vrac pour le riz, les pâtes, le café, les céréales • Vente de fruits et légumes de saison • Aux USA, plus de free lance pour sortir du chômage (USA T0DAY du 26/03/2009) Les Echos du 25/03/2009

20. Le nouveau poids des consommateurs • Depuis les années 1980, on constate une montée en puissance du pouvoir du consommateur comme acteur collectif • Cela tient au fait que le consommateur possède aujourd’hui, face aux dysfonctionnements du marché des biens et services, un pouvoir de contestation et de recours beaucoup plus fort qu’il y a 50 ans. • Cette évolution s’est faite dans le contexte • d’un marché national et international plus interdépendant et compétitif • d’un plus grand poids des groupes de pression de consommateur grâce au soutien de l’Etat depuis la présidence de Valéry Giscard d’Estaing • depuis peu avec la montée du web 2.0 grâce à Internet • Cela se traduit par la montée des juristes dans les entreprises et par l’importance donnée aux procès et donc aux décision judiciaires pour répondre aux préjudices subits • On peut se demander en quoi ce nouveau poids est un atout ou un handicap pour l’agriculture ou l’agro-industrie.

21. Conclusion • Le consommateur comme acteur collectif peut peser de plus en plus sur le politique • et tout particulièrement dans le sens d’actions collectives (class action) qui font peser une menace de procès sur les entreprises agro-industrielles ou autres • Ainsi, la nouvelle Autorité de la Concurrence (président Bruno Lasserre) vois ses pouvoirs renforcés dans le sens de plus de concurrence pour faire baisser les prix en faveur du pouvoir d’achat du consommateur • La question centrale est celle de savoir en quoi le marché est en soi positif pour le consommateur. • C’est l’équilibre des pouvoirs entre l’Etat régulateur, le marché et les intérêts des groupes de pression qui est important • Surtout, aujourd’hui une partie du jeu se joue en dehors de la France et de l’Europe : elle se joue avec les clases moyennes montantes des pays émergeants qui demandent plus de place pour participer au festin alimentaire dans un monde où les ressources sont limitées. • Les innovations dans la production, la distribution, la consommation et l’environnement sont donc les conditions clés du développement aujourd'hui comme hier • Merci pour votre attention